Loin des orages les plus violents, je cherche la foudre esthétique sous les cellules isolées. La Bourgogne est l’un de mes terrains de jeux favoris et cette nuit de fin juillet se révèlera être aussi mouvementée que généreuse pour le plaisir des yeux.
Nous sommes le 23 Juillet et le petit monde des chasseurs d’orages est en ébullition : une importante dégradation est prévue pour la soirée et la nuit entre Auvergne et Bourgogne. Après plusieurs journées de fortes chaleurs, l’énergie accumulée est importante et certains modèles météo s’emballent. Des pointes à plus de 4000 de CAPE sont prévues.
Pour un grand nombre de chasseurs, c’est tout particulièrement les départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier qui sont au centre des attentions : dans ce contexte atmosphérique très instable, de puissants orages supercellulaires évoluant ensuite en MCS sont modélisés. Des structures orageuses massives et des phénomènes violents -puissantes rafales et grêlons de gros diamètre- sont au menu.
À titre personnel, tout ce scénario me laisse finalement assez indifférent. Car en réalité, mon regard se tourne vers les cellules orageuses modélisées en marge de ce système. Le sud-ouest de la Côte d’Or semble idéalement placé : à la sortie du Morvan qui agit comme une pouponnière à orages, il n’y aura qu’à cueillir les cellules à maturité. La promesse d’orages modestes, localisés, mais généreux en coup de foudre est une chose qui a le don de m’enthousiasmer au plus haut point. Si nous partageons tous la passion de l’orage, chacun a ses préférences. Et pour ma part, la photographie de foudre reste ma quête principale face à l’orage.
Le doux chant du tonnerre
C’est ainsi qu’en fin de journée, en compagnie de mes amis Will Hien et Gilles Duperron, nous nous retrouvons en territoire Auxois. Le ciel présente déjà de nombreux signes d’instabilité, flocus et casté sont légion. Nous profitons du panorama offert par notre point de vue pour déguster un bon casse-croûte en observant à notre sud la lointaine cellule orageuse qui sévit alors sur l’Allier. Les minutes défilent, la lumière diminue et déjà un premier noyau orageux s’approche. Situé bien plus au sud-est que prévu, il nous faut rapidement analyser la situation quant à la justesse de notre placement. La décision est alors prise de descendre une vingtaine de kilomètres plus au sud-est, et nous nous retrouvons dans le charmant village médiéval de Châteauneuf. Depuis un promontoire que nous connaissons bien, cette nuit d’été nous propose la bande originale des soirées d’orages mémorables. Le chant des grillons et le bruissement des feuilles de tilleul sont entrecoupés des grondements lourds du tonnerre. Car devant nous, le ciel offre son plus beau spectacle. Les coups de foudre s’enchaînent sur la pointe sud de l’orage, le tout agrémenté de quelques décharges extranuageuses.
Après ce premier orage, la soirée est déjà réussie, mais elle est encore loin d’être terminée. Très rapidement, une seconde salve se met en place. Un peu plus au nord que la première, elle passera juste devant notre lieu de pique-nique. Mais nous n’avons pas le temps de retourner sur place, il nous faudra nous contenter d’ambiances lointaines, mais pas inintéressantes pour autant.
La lune qui est de la partie vient révéler le bouillonnement de l’orage…
Décisions et déceptions
Il est maintenant près de minuit, et une nouvelle fois nous devons prendre une décision pour la suite. Le puissant système orageux de l’Auvergne se rapproche rapidement de la Saône-et-Loire, nous laissant tout juste le temps de nous replacer pour l’intercepter. Dans le même temps, de nouvelles tourelles convectives sont réapparues sur le Morvan. Notre premier point de chute serait alors idéalement placé. Nous patientons un petit quart d’heure et les bouillonnements ne prenant pas de sévérité particulière, nous reprenons l’autoroute en direction de Tournus. Hélas, à peine une dizaine de minutes après, les congestus explosent et nous voyons sortir des grappes d’éclairs ramifiés dans les rétroviseurs. Il est trop tard pour faire demi-tour, et les photographies d’un certain Nicolas Gascard qui était sur le secteur nous donneront un bon aperçu de ce que nous avons alors raté.
Nous arrivons à nous placer sur les hauteurs de Tournus juste avant l’arrivée du MCS mais le spectacle offert par cet orage n’est pas à la hauteur de sa puissance, et nous finissons rapidement sous un pont autoroutier pour nous mettre à l’abri de la grêle et des rafales de vent (des pointes à plus de 130km/h seront relevées au Mont-Saint-Vincent). Les ambiances à l’arrière de l’orage ne seront pas plus intéressantes, je ne retiens aucune image de cette séquence.
Bond du lit, traceur bond
Il est trois heures du matin et nous sommes de retour au domicile de Will qui me propose de dormir sur place étant donné mon état de fatigue. Gilles, lui, reprend la route. Un petit quart d’heure s’écoule et le téléphone de Will sonne. Gilles prévient que de nouveaux noyaux orageux remontent du Mâconnais, avec des impacts de foudre bien ramifiés. Alors que j’étais sur le point de m’endormir, je vois un Will apparaître dans l’encadrement de la porte, m’annonçant que j’ai 30 secondes pour me préparer pour repartir au boulot. Nous arrivons rapidement sur un point de vue entre Tournus et Mâcon donnant sur la plaine de la Bresse, et très vite les premiers impacts sont de sortie.
Les conditions sont bien plus rock’n’roll qu’en début de soirée : nous subissons de nombreuses averses. Les noyaux orageux sont très fugaces : à peine une base apparaît que les impacts ramifiés tombent avant de passer au noyau suivant. Nous finissons par nous retrouver au milieu des éléments et nous nous faisons surprendre par un double impact qui aurait pu nous coûter cher. Le premier tombe dans les vignes à environ 300 mètres devant nous, le second juste dans notre dos entre 50 et 150 mètres. Je ne capterai que les ramifications de ce second impact, juste au-dessus de ma tête.
La proximité est telle qu’en y regardant de plus près, je remarque la présence de traceurs non connectés aux ramifications. Après quelques sollicitations, j’ai la confirmation qu’il s’agit de traceurs par bond, le genre de traceurs « fantômes » qui clignotent autour des ramifications sur les vidéos de foudre en ultra slow motion (merci Nico !).
Après ce coup de chaud, nous nous replaçons une dernière fois dans le vignoble du village de Chardonnay. Sur la route, les stigmates du MCS sont bien présents et nous devons même déplacer un arbre tombé sur le bitume. Une fois sur place, un dernier noyau s’approche. Au jeu du bon cadrage, des essuyages de lentille frontale et des changements de batteries, je n’aurai pas de chance et je passe à côté de deux impacts entre 1 et 2 kilomètres.
Il est maintenant 5h30 du matin et la fatigue nous force à rentrer. D’autres orages remontent encore du Beaujolais et du Lyonnais. Mais sur le secteur, l’humidité résiduelle et les brumes ne permettent plus de photographier quoi que ce soit. Il faudrait être bien plus au sud. Nous rentrons donc nous reposer quelques heures, avant de repartir pour la soirée suivante sur les rives du Léman. Mais ceci est une autre histoire…
2 Commentaires
Énorme récit. Ça me rapelle des récits d’autre fois, hélas. Merci parce que tu m’as fait voyager et rever. Curieusement mon préféré « le jous en pleine nuit ». (je m’excuse pour mon français).
Merci beaucoup Jose !
Et oui il est bien loin le temps des récits sur le forum, l’époque où le moindre éclair ramifié était un véritable trophée.
Les commentaires sont fermés.