Jimmy Lefrançois n’est pas un chasseur d’orages, mais un photographe amateur passionné qui s’est retrouvé un peu par hasard sur le chemin d’une cellule particulièrement esthétique alors qu’il était parti pour observer le coucher du soleil. Il nous raconte les coulisses de l’une des meilleures prises de 2019.
Le côté chaotique de la nature m’a toujours fasciné. Ce soir là, on peut dire que j’ai été servi, mais j’ai aussi conscience que j’aurais pu facilement me retrouver en mauvaise posture.
Vendredi 26 juillet, comme souvent en fin de semaine, je file au Fort Saint-Eynard, au-dessus de Grenoble, en récupérant mon matériel sur la route. Le ciel est nuageux au sud, mais reste plutôt dégagé par ailleurs. C’est le genre de situation où je prends mon matériel plus par habitude qu’autre chose : je ne m’attends à rien de spécial ce soir-là.
Comme je le craignais, les possibilités photographiques sont limitées, le ciel est de plus en plus bouché, il n’y a manifestement aucune possibilité de coucher de soleil qui vaille le coup à l’horizon. Mais je me dis que je peux rester encore un peu – un photographe ne doit jamais partir trop tôt, je l’ai appris à mes dépens. Je me pose tranquillement une petite heure au sommet, et j’attends de voir si les choses évoluent.
En jetant un coup d’œil au sud, je constate que le ciel est devenu de plus en plus noir et se parsème de petits rideaux de pluie. Tout évolue très vite car une bonne demi-heure après, voici la vue :
Rapidement, l’activité électrique commence à se manifester :
L’orage devient de plus en plus actif en face de moi, et potentiellement dangereux vu la vitesse où il avance. Je décide de retourner à la voiture pour trouver un endroit un peu plus sûr où m’installer. Sur le trajet, je passe par un autre point de vue et me dis que la vue y est tout de même excellente. Je ressors rapidement mon matériel, fais mes réglages à la va-vite, et lance un timelapse. La scène est tellement intense que je ne regarde même pas le résultat, je verrai plus tard. Et là…
On ne s’en rend pas forcément bien compte sur la photo, mais j’ai littéralement vu ces deux éclairs jaillir juste au-dessus de ma tête, et je peux dire que je n’ai pas mis longtemps à ranger mon appareil !
On peut remarquer que l’orage a complètement changé de direction, ce que je n’ai pas du tout vu venir : il venait du sud et longeait le Vercors en direction du nord. Une fois au niveau de Grenoble, il a bifurqué est / nord-est. On voit aussi que les éclairs sont très en avant du rideau de pluie. Quand j’ai appris un peu plus tard qu’un éclair pouvait frapper à des dizaines de kilomètres d’une cellule, je ne faisais pas le fier.
Comme le souligne Jimmy, ces impacts sont tombés largement à l’écart des précipitations. C’est ce qui lui donne cette impression de « changement de trajectoire » de l’orage, ainsi que d’éventuelles nouvelles cellules en formation.
Je décide donc de filer à un point de vue plus sûr. Il se situe à trente mètres du parking, et une arche se trouve à proximité et peut constituer un abri en cas de danger. J’installe de nouveau mon matériel et capture la deuxième photo de la soirée que je garderai.
L’orage se déplace toujours rapidement vers l’est et je me retrouve sous la pluie. J’attrape tout de même un dernier éclair au passage. Mais la foudre de plus en plus proche et la pluie autour du fort me décident à rapidement quitter les lieux.
Je découvrirai toutes ces images une fois rentré. La plus grosse surprise fut le double impact, que je n’avais pas du tout vu de la même manière que mon appareil photo !
En tant qu’amateur sur le sujet des orages, c’était plutôt risqué de rester au sommet pour prendre des photos ! Je pense qu’un minimum de connaissances m’aurait été utile, donc si vous débutez dans le domaine, mieux vaut que vous commenciez par ici : La sécurité en chasse à l’orage.
—
Exifs :
Boitier : 5D Mark IV
Objectif : Canon 16-35mm
Photo 1 : F/11 – ISO 800 – 6 secondes de pose – Focale : 22mm
Photo 2 : F/11 – ISO 800 – 6 secondes de pose – Focale : 22mm
Photo 3 : F/11 – ISO 800 – 13 secondes de pose – Focale : 16mm
Les exifs nous montrent ce qui pourrait être amélioré une prochaine fois : L’ouverture du diaphragme (F11) est adaptée au contexte (foudre parfois proche au début et noyée dans les précipitations à la fin), en revanche les temps de pose assez courts (6 et 13 secondes) ont obligé Jimmy à augmenter les ISO (800). Mieux vaut faire l’inverse : un temps de pose plus long, et des ISO plus bas afin d’éviter le bruit – que nous avons atténué avec son accord avant de mettre les images en ligne. En outre, un temps de pose plus long permet également de capturer plus d’éclairs dans une même pose.
Exemples d’équivalences à F/11 – ISO 800 – 6 secondes de pose (pour une même exposition) :
F/11 – ISO 200 – 15 secondes de pose
F/11 – ISO 100 – 30 secondes de poseJimmy nous explique également qu’il n’a pas regardé le résultat sur l’écran de son appareil après chaque impact : il a été particulièrement chanceux de ne pas obtenir des images surexposées ou sous-exposées. Mieux vaut toujours vérifier que son diaphragme est correctement réglé pour éviter ça, et anticiper d’éventuels éclairs plus puissants.
Récit et images : Jimmy Lefrançois
Mise en page, relecture & annotations : Maxime Daviron