L’origine de la photographie d’éclairs remonte au milieu du XIXème siècle. Après l’invention de la photographie par Nicéphore Niépce en 1826, le daguerréotype fut créé en 1835. Les photographies du daguerréotype étaient imprimées sur des plaques de cuivre recouvertes d’une couche en argent poli qui était exposée à la lumière. Par la suite, l’invention du rouleau de pellicule a permis d’apporter de nouvelles idées aux artistes photographes de cette époque, afin de tenter la réalisation de prises de vues nocturnes. Le début du XXème siècle a marqué le développement de la photographie commerciale, ainsi qu’une technique de plus en plus complexe de la photographie en noir et blanc. En 1907, les frères Auguste et Louis Lumière mirent au point la technique photographique appelée Autochromes Lumière. L’utilisation est assez simple, mais la sensibilité très faible obligeait la réalisation de poses de quelques secondes sur un format 9×12 à partir d’imposantes plaques. La photographie d’éclairs naquit durant cette même époque.
En remontant dans les archives les plus lointaines, il semblerait que la première photographie d’éclairs réalisée sur daguerréotype remonte au 18 juin 1847 dans le ciel de St Louis dans le Missouri. En France, l’un des tout premiers clichés remonte à 1886, grâce aux travaux iconographiques de l’artiste peintre photographe Gabriel Loppé. Son premier cliché d’éclair laisse apparaître de longs coups de foudre au cours d’un très probable orage sec capturé depuis les toits parisiens. En 1903, Gabriel Loppé réalisa la première photographie d’un éclair ascendant frappant la Tour Eiffel, ce cliché exceptionnel fera date.
Les années se succèdent avec l’arrivée d’autres artistes photographes talentueux, dont notamment le vulgarisateur Lucien Duraux qui réalisa grand nombre de clichés kérauniques durant les années 1920. Il faudra attendre 1935 avec l’entrée en production de l’Agfacolor puis du Kodachrome, pour que la photographie en couleur se répande avec des appareils compacts mais toujours limitée à des diapositives. L’Ektachrome débarque en 1946. L’emploi de la photographie pour les travaux scientifiques se dessine également au début du XXème siècle.
Une percée sans équivalent dans la technique de la photographie de foudre fut matérialisée grâce à la création de Charles Vernon Boys de la première caméra à objectifs tournants. Cette caméra était basée sur deux gros objectifs tournant rapidement sur le devant avec une plaque sensible. La perception de l’impact de foudre sur la plaque subissait deux déflexions en sens opposé, et ainsi, grâce à la superposition des deux captures, la vitesse de progression de la décharge électrique pouvait être imprimée. Le succès de la Camera Boys a engendré une nouvelle vague de scientifiques traqueurs d’éclairs. En 1936, aux Etats-Unis, muni de la Camera Boys, le chercheur Julius H. Hagenguth et son équipe s’attaquent aux travaux de la foudre sur l’Empire State Building. Durant l’été 1936 très orageux, ils réalisèrent un grand nombre d’enregistrements de la foudre frappant cet édifice.
En Europe, au début des années 1940, le professeur Karl Berger et son équipe installèrent un laboratoire de la foudre au sommet du Monte San Salvatore en Suisse. Situé en plein coeur du Tessin, ce mont en forme de pic culminant à 640 mètres d’altitude, demeure idéalement placé au bord de lac de Lugano. En effet, le Tessin demeure la région d’Europe la plus orageuse. Totalement isolé, le Monte San Salvatore est pourvu d’une tour métallique avec un émetteur révélant un terrain d’observation idéal pour de multiples foudroiements frappant le sommet. L’année 1950 apporte trois nouveaux éléments à l’équipe de Berger. D’une part, l’installation d’une deuxième tour de mesure sur le pré-sommet « San Carlo », d’autre part, l’équipement de multiples caméras au sommet du Monte San Salvatore. A savoir huit caméras avec film fixe, et deux caméras spéciales munies de film rotatif nommé « Streak Camera » similaires à la Camera Boys. Le photographe mandaté durant plusieurs années pour cette campagne de recherche, ne sera autre que le très discret mais non moins efficace Hugo Blinz. Ce dernier captura un nombre important d’impacts de foudre descendants et ascendants de la fin des années 1940 au milieu des années 1960.
Au cours des années 1970, l’arrivée du Reflex 24×36 engendra aux Etats-Unis un engouement sans précédent pour la photographies d’éclairs, principalement dans les états du sud-ouest, là où les orages secs y sont fréquents et spectaculaires. David O. Stillings, photographe de Floride basé à Orlando, se fait connaître en juillet 1976 suite à sa photo nommée « Eruption ». Celle-ci présente un éclair extranuageux frappant en air sec au coucher du soleil. Au tout début des années 1980, Tom Willett, photographe talentueux basé à Tucson en Arizona, adopte la technique de pose très longue laissant ainsi apparaître de nombreux coups de foudre sur un seul et même cliché. Les orages en Arizona étant isolés et très électriques, il n’est pas rare de pouvoir assister à de multiples foudroiements simultanés en l’espace de quelques secondes.
La photographie orageuse en France voit le jour au même moment, avec l’entrée sur le terrain d’un personnage renommé et spécialisé en matière de phénomènes orageux : Alex Hermant. Contrairement aux travaux photographiques précédents des Américains observant la foudre à distance, Alex va pousser l’observation, l’analyse et la prises de vue des éclairs au plus près du point d’impact de la foudre, révélant une nouvelle approche de l’orage sur l’ensemble du territoire français, tout en associant connaissances de la météorologie ainsi que celles du terrain. Après quarante années d’études de terrain, la collection de photographies et vidéos d’Alex Hermant demeure exceptionnelle. Dean Gill, météorologue réputé, poursuivra cette démarche quelques années plus tard, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.
Tous ces précurseurs auront indubitablement influencé la nouvelle génération de passionnés d’orages. À l’heure où la photographique numérique lisse l’image à la limite de fausser son authenticité, les œuvres des photographes précités représentent l’essence même du phénomène.
Auteur du dossier : Nicolas Gascard
Mise en page et relecture : Maxime Daviron